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Et si l’exercice groupé était la solution pour une coordination optimisée des soins ?

Afin d’enrayer la désertification médicale, rompre l’isolement des médecins, améliorer la prise en charge des patients et désengorger les hôpitaux, l’Etat incite au développement du travail en équipe des professionnels de santé en soutenant la création de Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP), mais aussi le déploiement de Communautés Professionnelles de Territoire de Santé (CPTS).

Mais comment fonctionne ces nouvelles structures ?

Gros plan sur les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles

Les MSP regroupent des professionnels de santé, autour d’un projet de santé commun visant à répondre aux besoins sanitaires de leur territoire ou à des missions ponctuelles. La MSP est composée d’une équipe pouvant regrouper des professionnels qui exercent dans des lieux différents, on parle alors des MSP « hors les murs ». L’ensemble de l’équipe élabore un projet de santé témoignant d’un exercice coordonné entre tous les professionnels de santé de la structure ou participant à ses activités. Ce projet se définit autour d’un diagnostic du territoire et propose des missions spécifiques et des activités en réponse à ce diagnostic. Le projet rédigé est alors présenté à l’ARS afin de permettre à l’équipe d’être reconnue comme une MSP, et d’obtenir les avantages afférents.

Ce projet est donc amené à évoluer en fonction de l’évolution de la structure et des besoins et offres de soins du territoire [1].

Les équipes sont composées au minimum de deux médecins et d’un professionnel paramédical : médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, dentistes, sages-femmes, pédicures-podologues, orthophonistes…

Chaque membre intervient en fonction de ses compétences et des besoins du patient.

Les MSP une vraie solution pour l’accès aux soins ?

Les MSP sont présentes sur tout le territoire, toutefois, elles sont majoritairement dans les espaces avec une plus faible accessibilité aux soins et se sont initialement développées dans les zones rurales [2]. Les MSP séduisent les professionnels paramédicaux : 96 % des MSP comptent au moins un infirmier, 72 % intègrent au moins un masseur-kinésithé­rapeute, 56 % un pédicure-podologue, 46 % un orthophoniste [3]. Les jeunes médecins sont également séduits par les MSP [2], ils apprécient évoluer dans une communauté, travailler avec d’autres spécialités et pouvoir enrichir leurs connaissances avec leurs confrères. Il est fondamental pour 81 % des internes et 87 % des remplaçants de pouvoir s’appuyer sur un réseau de professionnels de santé présents sur leur territoire [5]. 72 % des internes plébiscitent l’exercice en groupe (dans le cadre d’une activité mixte, libérale en groupe ou en MSP) alors qu’ils sont seulement 3 % à envisager l’exercice libéral isolé [5].

Une mise en place non sans difficultés !

Cependant, l’installation de ces structures n’est pas toujours facile. Certaines MSP, portées principalement par des politiques sans véritable projet de santé n’ont pas réussi à séduire les professionnels où ceux-ci ont profité des primes à l’installation pour déménager ensuite [4].

Mais surtout, plusieurs travaux montrent une faible maturité organisationnelle des MSP [1][5][6][7]. Le travail interprofessionnel n’est pas toujours évident, il faut apprendre à travailler ensemble, et s’ouvrir aux autres métiers de la santé. Pour ce faire, des formations interprofessionnelles se mettent en place, mais elles restent encore marginales. D’autre part, pour fonctionner de façon optimale, il est essentiel que les MSP soient équipées d’un système d’informations partagées adapté à l’inter-professionnalisme, mais également adaptable avec les correspondants externes pour faciliter les coopérations extérieures. Or aujourd’hui, non seulement peu de logiciels interprofessionnels existent, mais aussi les outils informatiques sont très hétérogènes et ne sont pas tous interopérables [1].

Cette nouvelle organisation demande également de nouvelles compétences en coordination administratives et/ou médicales. Un coordinateur est un vrai atout dans ces structures mais il a un coût non négligeable, c’est pourquoi peu de MSP sont encore aujourd’hui peu coordonnées [1][5].

EXERCER EN MAISON DE SANTÉ, C’EST VIVRE UN CHOC CULTUREL LIÉ À PLUSIEURS DÉPLACEMENTS DANS SA PRATIQUE PROFESSIONNELLE

Cécile FOURNIER, médecin de santé publique et sociologue [15]

Les MSP répondent donc bien aux attentes :

  • le maintien d’une offre de soins de proximité,
  • une prise en charge optimisée des soins,
  • un cadre d’exercice attractif pour les professionnels de santé
  • une extension de leur réseau professionnel.

Les MSP sont des structures très dynamiques, séduisant les jeunes professionnels de santé et sont prêtes à surmonter les difficultés organisationnelles rencontrées. Elles sont ainsi en plein essor : en juin 2020, 1617 MSP en activité et 451 en projet étaient dénombrées ([i]). L’objectif du gouvernement est d’atteindre 2 000 MSP d’ici fin 2022.

Les professionnels présents en MSP satisfaits de ce nouveau mode de travail groupé, cherchent à étendre le modèle en-dehors de leurs structures en participant au développement des CPTS.

C’est quoi au juste une CPTS ?

Derrière ce sigle, CPTS, se cache les Communautés Professionnelles de Territoire de Santé, définies en 2016 par la loi de Modernisation de notre Système de Santé [9]. Elles ont pour objectif de regrouper des professionnels de santé d’un même territoire, autour d’un projet médical et médico-social commun. Les CPTS regroupent l’ensemble des acteurs de la santé : professionnels de santé de ville, qu’ils exercent à titre libéral ou salarié, établissements de santé, services sociaux, établissements et services médico-sociaux, acteurs de la prévention ou de la promotion de la santé.

Les CPTS privilégient une approche populationnelle, le projet de santé doit répondre à un ou plusieurs besoins de santé identifiés sur le territoire d’exercice.

Elles répondent à trois missions principales :

  • Faciliter l’accès aux soins des patients en simplifiant l’accès à un médecin traitant et en améliorant la prise en charge des soins non-programmés en ville.
  • Organiser les parcours des patients pour assurer une coordination optimale entre les acteurs et ainsi éviter les ruptures de parcours et favoriser le maintien à domicile des patients.
  • Améliorer la prévention sur le territoire.

Les CPTS ont également d’autres missions annexes comme le suivi, la qualité et la pertinence des parcours de soins, mais elles jouent aussi un rôle primordial sur l’attractivité du territoire [10].

Elles n’offrent pas de soins, mais ont pour vocation d’améliorer la coordination entre les acteurs et les structures de soins du territoire.

Comme les MSP, les CPTS sont créées autour d’un projet de santé qui précise le territoire d’action, les besoins identifiés, les actions proposées pour y répondre, les modalités de travail pluriprofessionnel et les modalités d’évaluation. Ce projet est un prérequis à la contractualisation entre les professionnels et l’ARS.[11]  Les CPTS sont le plus souvent des associations (loi 1901), bien qu’aucune forme juridique ne soit imposée par la loi. [12]

Les CPTS doivent faire leurs preuves…

Il n’y a qu’une seule CPTS par territoire ainsi les professionnels de santé n’ont pas le choix de la CPTS une fois celle-ci créée. S’ils l’intègrent dès sa conception, ils peuvent participer à l’élaboration du projet initial et orienter celui-ci en fonction de leurs expériences et de leurs besoins. Le projet de santé est évolutif, les acteurs de santé du territoire peuvent rejoindre l’association à tout moment et développer de nouveaux projets avec celle-ci. Les professionnels adhérents ne sont pas contraints à des objectifs. La CPTS permet de faire bénéficier à ses membres d’outils d’aide à la coordination des soins [10].

Les CPTS sont encore récentes et pour le moment assez peu représentées sur le territoire, toutefois elles se développent dans les zones rurales où le réseau interprofessionnel est essentiel. En milieu urbain ou périurbain, l’implantation des CPTS est plus difficile, les projets communs ont plus de difficulté à être définis, la coordination a du mal à s’imposer, chacun cherche à développer sa propre CPTS sur le territoire [4].

Les acteurs de santé, porteurs de projet, doivent s’armer de patience pour monter une CPTS. Les démarches sont longues et exigent une forte motivation pour réussir à définir un projet de santé commun avec tous les acteurs présents sur le territoire. D’autant plus que beaucoup de professionnels de santé ont peu ou pas d’informations sur le mode de fonctionnement de ces dernières et voient derrière ces structures des contraintes administratives et chronophages. Ils éprouvent des craintes sur leur liberté d’exercer la médecine [4] [10].

… mais elles sont pleines d’avenir !

Au cours de la crise sanitaire, les professionnels de santé investis dans ces projets se sont rapidement mobilisés pour organiser la gestion de crise sur leurs territoires. Les CPTS ont mené des actions efficaces pour faciliter l’accès aux soins, mais ont aussi permis d’accélérer des coopérations ville-hôpital. Durant la crise, les professionnels de santé libéraux se sont reconnus dans cette organisation, ainsi de nouveaux projets ont émergé et ont permis la mise en place de nouvelles CPTS. Des professionnels de santé n’ayant pas encore adhéré à ces associations, mais aussi des établissements de soins et des ARS ont été séduits par ce mode de travail groupé, souple et très réactif, apportant des solutions adaptées aux besoins de leur territoire [4]. Aujourd’hui, 639 projets de CPTS sont recensés et 113 sont opérationnelles (projets de santé validés) [13]. L’objectif du gouvernement est d’atteindre 1 000 CPTS d’ici fin 2022.

En résumé

Depuis le début des années 2000, le système de santé français cherche à développer les soins primaires afin de répondre aux enjeux actuels de la santé (le vieillissement de la population, la chronicisation des pathologies, l’accroissement des inégalités géographiques et sociales de santé…).

Cette réorganisation de la santé amène à la multiplication des acteurs de santé dans le parcours de soins des patients. Il est donc essentiel d’optimiser la coordination entre ces différents acteurs afin d’offrir les meilleurs soins possibles aux patients.

Le travail en groupe semble être une solution très prometteuse où chaque niveau se complète [14] :

Le médecin généraliste, le premier interlocuteur qui assure le suivi, la synthèse des soins et oriente le patient en fonction de ses souhaits et de son environnement professionnel, social et familial.

La Maison de Santé Pluriprofessionnelle, MSP, regroupe l’équipe de soins primaires : la mutualisation des moyens et le partage des informations y sont facilités, permettant une prise en charge efficace de la patientèle. Un échange des savoirs et des pratiques y est encouragé.

L’organisation territoriale des soins par une CPTS : action plus globale à l’échelle de la population, les CPTS organisent l’offre de soins sur le territoire et participent activement au rapprochement Ville – Hôpital. Elles font le lien entre les soins de 1er et 2d recours.

Toutefois, la mise en place de ce mode de travail n’est pas toujours évidente et peut créer des tensions interprofessionnelles. Ce mode d’exercice en groupe est très dynamique et séduit les jeunes praticiens, mais également la population qui trouve toute son équipe médicale facilement. Quelques réajustements d’organisations s’avèrent encore nécessaires afin que ce système soit réellement performant.

D’autre part, les professionnels de santé, et notamment les médecins généralistes, ont réalisé au cours de la crise sanitaire que les CPTS sont à leur service pour améliorer leur qualité d’exercice et leur confort professionnel et ainsi faciliter leur relation avec les autres acteurs du territoire (établissements hospitaliers, EHPAD, SSR, PTA) pour développer une offre de soins cohérente où chacun trouve sa place.

A la sortie de la crise sanitaire, l’exercice regroupé aura plus que jamais le vent en poupe, au point de devenir la règle en matière de premier recours ?

Seul, on va plus vite, mais ENSEMBLE, on va plus loin !

Sources

[1]  Elsa Léger. Les freins et moteurs de l’interprofessionnalité à travers l’expérience des acteurs de soins exerçant ou faisant partie d’un projet de Maison de Santé Pluriprofessionnelle. Médecine humaine et pathologie. 2016. ‌dumas-01648011‌

[2] Guillaume Chevillard, Julien Mousquès (Irdes), Questions d’économie de la santé n°247, Mars 2020,  « Les maisons de santé attirent-elles les jeunes médecins généralistes dans les zones sous-dotées en offre de soins? »

[3] La qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, Propositions de l’Assurance Maladie pour 2021

[4] M.Joy Raynaud et M.Stéphane Le Bouler,  Concourspluripro, 10 mars 2021, « MSP et CPTS, des organisations efficaces pour l’accès aux soins ? »

[5] Mathieu BOULANGER. Facteurs pronostiques de réussite des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles en Occitanie – Une étude quantitative. 2020

[6]  Amandine Rimetz-Pal. Maison de santé pluriprofessionnelle et qualité des soins : quels critères du point de vue des patients ? Étude préliminaire par méthode qualitative au sein de la maison de santé pluriprofessionnelle d’Ambérieu en Bugey. Médecine humaine et pathologie. 2018. ‌dumas-01831248‌

[7] Sebai Jihane, Yatim Fatima, « Les maisons de santé pluriprofessionnelles en France : une dynamique réelle mais un modèle organisationnel à construire », Revue française d’administration publique, 2017/4 (N° 164), p. 887-902. DOI : 10.3917/rfap.164.0887. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2017-4-page-887.htm

[8] Les maisons de santé, https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/structures-de-soins/article/les-maisons-de-sante-300889, DGOS chiffres du 30/06/2020

[9] Loi de Modernisation de Notre Système de Santé, https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031912641/

[10] Margot Gilbert. Les freins et les leviers à l’adhésion des médecins généralistes aux Communautés Professionnelles Territoriales de Santé : étude de la CPTS du Comtat Venaissin (Vaucluse). Sciences du Vivant [q-bio]. 2021. ffdumas-03193714f)

[11] https://www.ars.sante.fr/les-communautes-professionnelles-territoriales-de-sante

[12] Code de la santé publique – Article L1434-12. Code de la santé publique.

[13] Chiffres issus du site de la fédération des CPTS, consulté le 25APR2021, https://www.fcpts.org/cartographies/cartographie-des-cpts/

[14] Jacques Battistoni, Médecin généraliste, président du syndicat MG-France , UNE ORGANISATION DES SOINS PRIMAIRES COHÉRENTE SUR LES TERRITOIRES, QUEL AVENIR POUR L’ORGANISATION DES SOINS PRIMAIRES EN FRANCE ?, e-book, Science Po, Chaire de Santé, 2018, https://www.sciencespo.fr/chaire-sante/sites/sciencespo.fr.chaire-sante/files/Ebook-seminaire-Soinsprimaires-2019_1.pdf

[15] QUEL AVENIR POUR L’ORGANISATION DES SOINS PRIMAIRES EN FRANCE ?, e-book, Science Po, Chaire de Santé, 2018, https://www.sciencespo.fr/chaire-sante/sites/sciencespo.fr.chaire-sante/files/Ebook-seminaire-Soinsprimaires-2019_1.pdf

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